Bruno Bachimont
Résumé : L'intelligence a toujours été artificielle car elle s'est toujours entourée d'artifices et d'outils. Faut-il pour autant, par une métonymie hâtive, doter ces outils de l'intelligence que nous construisons et atteignons par leur moyen ? Il est vrai que les performances des machines numériques fondées sur des algorithmes mobilisant des données variées semblent brouiller des frontières jusqu'ici bien établies. Nous argumenterons que si la machine est un outil d'exploration de la variation, elle ne l'est pas de l'invention, qui resterait l'apanage du vivant, et pas du seul connaissant. Seul le vivant, par son individuation permanente et en permanence inachevée, recèle des possibilités d'invention que la machine n'a pas même si elle en constitue le moyen souvent indispensable. La question plus inquiétante est plutôt d'étudier dans quelle mesure l'humain sera toujours en condition d'inventer si on réduit ses capacités à celles des machines, ou à être le servant ou l'objet de ces machines.
Bruno Bachimont est professeur à l'université de technologie de Compiègne. Philosophe et informaticien, il s'intéresse à l'ingénierie des connaissances et des données ainsi qu'à la philosophie du numérique. Il a publié en 2010 Le sens de le technique, Le numérique et le calcul (Belles Lettres) et en 2017 Patrimoine et numérique : Technique et politique de la mémoire (Ina-Editions), ainsi que de nombreux articles d'épistémologie des données et du numérique.