Revue TDFLE n°76|2020 - Enseigner et apprendre à écrire en français langue étrangère : modèles théoriques, perspectives critiques et appropriations

Enseigner et apprendre à écrire en français langue étrangère : modèles théoriques, perspectives critiques et appropriations
Travaux de didactique du FLE, n°76
Coordonné par Krastanka BOZHINOVA et Amandine DENIMAL
Le numéro aura pour objectif d’établir un état des lieux des développements récents en matière d’enseignement-apprentissage de la production écrite en français langue étrangère. La nécessité de plus de recherches et de publications sur l’enseignement de l’écrit a été régulièrement rappelée ces dernières années, tandis que la compétence proprement textuelle, compétence à la fois discursive, rhétorique, stylistique, pragmatique et socioculturelle, a eu tendance à s'effacer des référentiels de compétences comme des matériels didactiques ; à moins qu'elle n'y demeure, dans le meilleur des cas, implicite.
Les développements théoriques des approches communicatives avaient reconsidéré, à partir des années 1980, la place de l'écrit dans les enseignements et les apprentissages, à travers une valorisation des rôles à la fois sociaux et scolaires de l'écriture, une inscription dans les travaux de la linguistique textuelle, une exploration des perspectives ouvertes par la psychologie cognitive (approches rédactionnelles, pédagogie du modèle, transferts de compétences d'une langue à l'autre...), les démarches ludiques, ou les démarches de projet qui donneront naissance aux approches actionnelles. Depuis, il semblerait que la didactique des processus rédactionnels et des genres textuels n'ait pas réellement trouvé à s'inscrire dans cette perspective actionnelle, et de nombreux questionnements concernant la production écrite, vue à la fois comme processus et produit, comme activité individuelle et socialement située, méritent d’être revisités et approfondis.
Ces dernières années, les parutions consacrées à l'écrit en langue étrangère ont développé des problématiques diversifiées : l’articulation des didactiques du français langue maternelle, étrangère et seconde (Bouchard et Kadi, 2012) ; l’exploitation du « déjà-là » dans l’écriture (Plane et Rondelli, 2017) ; l’apport des corpus numériques pour développer l’écrit académique (Cavalla et Hartwell, 2018) ; les démarches pour apprendre les langues à l’aide de corpus (Boulton et Tyne, 2014) ; la prise en compte de la compétence stylistique (Allouche & Maurer, 2011) ; le travail sur les typologies textuelles, les actes de discours et les séquences (Allouche, 2011) ; le rôle des cultures linguistiques et éducatives ; l'articulation entre pratiques d'écriture et savoirs (scolaires et autres ; Vigner, 2015) ; les pistes ouvertes par la linguistique de discours comparative (Von Münchow, 2007, Claudel, 2017), ou par les pratiques expressives et esthétiques de l'écriture (Dompmartin-Normand et Le Groignec, 2015). Un ouvrage paru chez Hachette FLE (Hidden, 2013) se donne parallèlement pour objectif de répondre aux besoins de développements pédagogiques des acteurs impliqués dans l’enseignement de la production écrite en langue étrangère. Enfin la nécessité a pu être rappelée d'enseigner/ apprendre les genres textuels, non seulement comme modèles socioculturels d'architecture discursive, mais aussi comme patrimoines de styles et d’œuvres des langues de culture, par opposition aux langues de services et autres usages instrumentaux des langues, faisant apparaître le vide laissé en la matière par les standards internationaux de l'enseignement des langues (Rastier, 2013).
Au regard de ces nombreux apports, que devient la compétence discursive-textuelle dans les modèles de la compétence à communiquer/ agir avec la langue, et dans les supports et pratiques pédagogiques ? Quelle place accorder à l’approche par les genres, et quelle place les genres peuvent-ils occuper dans la définition de la « tâche » (Richer, 2016) ? Comment tenir compte de la multimodalité que permettent les environnements informatisés (Coste, 2009 ; Richer, 2009 ; Villanueva, 2009) ? Quelles ont été les évolutions méthodologiques des manuels de ce point de vue ? La production écrite est-elle toujours placée en fin de séquence, ou sa place a-t-elle été revisitée ? Les tâches d'écriture sont-elles suffisamment préparées ? Comment les apprenants s'approprient-ils les différents écrits et pratiques d'écriture, et en quoi ces appropriations leur permettent-elles de construire leurs énonciations singulières ?
Les propositions de contribution s'inscriront dans les axes suivants :
Axe 1 – Modèles théoriques : teneur et portée
Quelle est la pertinence actuelle des modèles théoriques de référence en didactique de l'écrit et quelle est celle des modèles psycho-cognitifs de l’écriture, transposés de la didactique des L1 vers celle des L2 (voir par exemple Flower et Hayes, 1980 ; O’Brien, 2004) ? Ayant décrit la rédaction comme processus non linéaire, dynamique et récursif, les descriptions des années 1980-90 restent-elles applicables à des scripteurs parfois plurilittéraciés, qui ont de plus en plus recours au numérique en tant qu’aide à la rédaction ? Comment concilier une approche par les tâches (actionnelle) qui privilégie le résultat, et la vision de la production écrite en tant que processus non linéaire et récursif ? Et comment opérationnaliser la perspective plurilingue dans l’enseignement-apprentissage de la production écrite, en L2 et L3 (Cenoz et Gorter, 2011; Bozhinova, 2017) ?
Axe 2 – Genres et compétence discursive/ textuelle
Comment évaluer la place de la compétence textuelle dans les discours didactiques, aussi bien institutionnels (documents-cadres, textes de politique éducative...) que scientifiques et pédagogiques (manuels, outils pour la classe...) ? Dans une perspective méthodologique, comment pourrait-on renouveler l'approche du/ des discours, des types textuels et des genres dans les enseignements et les apprentissages ? Comment aborder les genres selon une rhétorique contrastive, en tenant compte à la fois des parcours plurilingues et des patrimoines textuels et symboliques ?
Axe 3 – Écrits, écriture et appropriations des langues
Comment la construction de l'énonciation singulière des apprenants passe-t-elle par les écrits et par le désir d'écrire ? En quoi les pratiques d'écriture créative et expressive, notamment, peuvent-elles éclairer les rapports des sujets lisants-écrivants aux langues, et à la représentation du monde dans sa forme écrite ? Dans cette perspective, il pourra être intéressant d'interroger à nouveaux frais les liens entre écriture et lecture (littéraire, par exemple), ou les liens entre écriture et oralité. On pourra également réfléchir à l’accompagnement à proposer aux apprenants pour favoriser l'appropriation des écrits (notamment pour les publics de niveaux moins avancés : A1, A2, B1), avec par exemple les pratiques de classe permettant de décloisonner la vision « solitaire » de l'écriture : relations entre écrit individuel et écrit collectif, tandems d'écriture (entre apprenants de français, entre apprenant et locuteur francophone)... Enfin, dans le contexte de l’utilisation de ressources et d’outils numériques, il sera possible d'aborder la question du recours à la traduction automatique, aux pratiques d'imitation dont le « micro-plagiat » comme étape initiale contrôlée par l’enseignant (Geiller, 2014 : 39-40), voire au plagiat.
Bibliographie
ALLOUCHE, Victor (2011). Pour une didactique des actes de discours et des séquences. Paris : L'Harmattan.
ALLOUCHE, Victor et MAURER, Bruno (2011). L'écrit en FLE. Travail du style et maîtrise de la langue. Montpellier : Presses universitaires de la Méditerranée.
BOUCHARD, Robert et KADI, Latifa (coord.) (2012). Didactiques de l'écrit et nouvelles pratiques d'écriture, Recherches et applications / Le français dans le monde, n° 51, Paris : Clé International.
BOULTON, Alex et TYNE, Henri (2014). Des documents authentiques aux corpus : démarches pour l’apprentissage des langues. Paris : Didier, 2014.
BOZHINOVA, Krastanka (2017). Apprendre le français après l’anglais : Développement de la production écrite à l'aide du numérique. Paris : L’Harmattan.
CAVALLA, Cristelle et HARTWELL, Laura (dirs). (2018). L’enseignement et l’apprentissage de l’écrit académique à l’aide de corpus numériques. LIDIL, n° 58. https://journals. openedition.org/lidil/5001
CENOZ, Jasone & GORTER, Durk (2011). « Focus on multilingualism: a study of trilingual writing ». The Modern Language Journal, vol. 95, n° 3, pp. 356–369.
CLAUDEL, Chantal (2017). « La place de l'analyse de discours en didactique du FLE ». Les carnets du Cediscor, n°13, p.19-32.
COSTE, Daniel (2009). « Tâche, progression, curriculum ». Le français dans le monde / Recherches et applications, no 45. Paris : CLE International, pp. 15-24.
FLOWER, Linda & HAYES, John (1980). « The dynamics of composing: Making plans and juggling constraints ». In L. Gregg & E. Steinberg (Eds.). Cognitive processes in writing. Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum Associates, pp. 31-50.
DOMPMARTIN-NORMAND, Chantal & Anne LE GROIGNEC (2015). « Un atelier d’écriture créative en FLE ». Éducation et sociétés plurilingues [En ligne], n° 38. http://esp.revues.org/539 ; DOI : 10.4000/esp.539
GEILLER, Luc (2014). « How EFL students can use Google to correct their ‘untreatable’ written errors ». Eurocall Review, vol . 22, n° 2 : 26-45. DOI: https://doi.org/10.4995/eurocall.2014. 3633
HIDDEN, Marie-Odile (2013). Pratiques d’écriture. Apprendre à rédiger en langue étrangère. Paris : Hachette FLE.
O’BRIEN, Teresa (2004). « Writing in a foreign language: teaching and learning ». Language Teaching, vol. 37, issue 1, pp. 1-28. DOI : 10.1017/S0261444804002113
PLANE, Sylvie et RONDELLI, Fabienne (dir.) (2017). Le déjà-là dans l'écriture, Pratiques, n° 173-174.
RASTIER, François (2013). Apprendre pour transmettre. L'éducation contre l'idéologie managériale. Paris : PUF.
RICHER, Jean-Jacques (2009). « Travailler la presse à partir des genres du discours ». APLV - Les Langues Modernes [Article supplémentaire en accès réservé sur le site], n° 2, http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article2505
RICHER, Jean-Jacques (2016). « Retour réflexif sur les évolutions d’une conception de la Perspective actionnelle ». APLV - Les Langues Modernes, n°3, https://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article6380
VIGNER, Gérard (2012). « Écrire en FLE : Quel enseignement pour quel apprentissage ? ». Didactiques de l'écrit et nouvelles pratiques d'écriture, Recherches et applications / Le français dans le monde, n° 51, pp. 16-33.
VILLANUEVA, Maria-Luisa (2009). « Tâches et cybergenres : une perspective actionnelle ». La perspective Actionnelle et l’approche par les tâches en classe de langue. Le Français dans le Monde, Recherches et Applicationsn nº 45, pp.72-82.
VON MÜNCHOW, Patricia (2007). « Le genre en linguistique de discours comparative. Stabilités et instabilités séquentielles et énonciatives ». Linguistique des genres. Le programme de Bakhtine et ses perspectives contemporaines. Éd. par BOUQUET, Simon et Sheila VIEIRA DE CAMARGO GRILLO), Linx n° 56, p. 109-125.
Date de lancement : 29 mars 2019
Date limte de réponse résumé : 15 juin 2019
Date limite de relecture résumé : 10 septembre 2019
Date limite de sélection résumé : 15 septembre 2019
Date limte d'envoi du texte : 15 décembre 2019
Date limite de relecture : 30 janvier 2020
Date limite de sélection : 30 mars 2020
Publication : avril 2020